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EXPERIENCE A LA FRANCAISE

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Cette nuit-là, lorsque l’avion qui me transporte vers la France décolle de l’aéroport international Léon MBA de Libreville, je ne puis m’empêcher de pousser un soupir sans que je ne puisse vraiment expliquer le sentiment qui m’anime à cet instant précis. Est-ce un soulagement ? Puisqu’en fait, j’avais raté le vol à deux reprises avant de pouvoir enfin embarquer la troisième fois. Est-ce la peur de l’inconnu ? Je me rendais en terrain non conquis, bien qu’ayant séjourné dans certains pays européens (Portugal, Espagne) et sud-américain (Brésil) quelques années auparavant et pour des raisons professionnelles, je n’avais jamais été en France, et de surcroit pour étudier. Est-ce la mélancolie ? Je laisse derrière moi, tout ce que j’aime et à quoi je suis si chèrement attaché, mes amis, ma famille, mon travail, mon pays le Gabon. Quoi qu’il en soit, à mesure que l’avion s’élève dans les airs, ces sentiments tourbillonnent dans mon esprit à tel point que soudain, je me sens saisi par de violentes nausées.

A l’origine de ce voyage vers l’inconnu, un simple lien que j’avais ouvert sur internet à la suite d’une correspondance adressée au Ministère gabonais de l’Economie, où je travaille depuis huit ans déjà en tant que Chargé d’Etudes du Secrétaire Général à la fin de mes études supérieures. Ce lien, www.tullowgroupscholarshipscheme.org était destiné à offrir des bourses de niveau Master aux agents du Ministère au terme d’une sélection rigoureuse.

Remplissant plus ou moins les critères pour y postuler, j’ouvris le lien sans conviction aucune et me mis à renseigner les rubriques telles que requis par la procédure. Plusieurs mois après, je reçu un coup de fil du Sénégal comme quoi, je suis convoqué à un entretien individuel. Je fus interloqué tant je ne m’y attendais pas le moins du monde, mais c’est précisément à ce moment que je commençai à prendre cette affaire au sérieux. Bref…

Je fus sélectionné parmi les premiers gabonais à bénéficier du programme de bourse administré par le Britsh Council pour le compte du groupe Tullow Oil Plc, une compagnie d’exploration pétrolière britannique qui offre à plusieurs pays en voie de développement l’opportunité de développer leurs capacités dans les domaines variés incluant le droit, l’ingénierie, l’économie, les Sciences environnementales, etc.

Pour ma part, je choisis d’approfondir mes connaissances en Management, science et art de la conduite des organisations et des hommes à la réussite collective. D’autant plus qu’actuellement, l’administration publique gabonaise est en pleine mutation. Les stratégies, les pratiques, les procédures et les allocations de moyens sont destinées à un changement radical car il s’agit de passer à la culture de résultat dès le 1er janvier 2015 avec l’entrée en vigueur de la budgétisation par objectifs de programmes (BOP).

Ainsi, en atterrissant en France en cette matinée d’automne, le froid et le brouillard m’accueillirent tel un étudiant qu’on s’apprête à bizuter à son entrée à l’université. Je compris alors pourquoi le British Council nous avait octroyé une prime spéciale destinée à « acheter les vêtements pour le froid ». Mon Dieu, où suis-je ? Me suis-je écrié.

Dijon, ville paisible et touristique avec une forte culture viticole et son Ecole Supérieure de Commerce (ESC), top 10 des écoles françaises de Management m’accueillirent à bras ouverts, la cité faisant partie des villes où il fait mieux étudier en France. Les enseignements sont organisés de telle sorte que l’échec est quasi impossible. La disponibilité des professeurs est sans pareil avec des accompagnements personnalisés. Cependant, lorsqu’après les formalités administratives d’usage, l’on me présenta en classe pour la première fois, tous les yeux se tournèrent vers moi avec un air interrogatif. Il faut dire que j’étais largement au-dessus de la moyenne d’âge de la classe. En plus, seul africain au milieu de tant d’européens et d’asiatiques, je paraissais comme une tâche d’huile sur un habit blanc. J’étais intimidé, mais je m’efforçais à garder le sang-froid, du coup, je transpirais quand bien même le froid était glacial !

C’est à ce moment même que je me promis de sauver l’honneur de mon continent, de mon pays, de ma famille et de mon ministère en travaillant d’arrache-pied. « Quelle honte de venir si loin pour un but et de devoir rentrer bredouille ! », me disais-je souvent.

Au début, la plupart des étudiants se montrèrent réticents à m’intégrer dans leur groupe de travail lorsque cela dépendait d’eux, je me retrouvais facilement seul ou avec les absents du jour qui n’ont pas eu le choix. Mais lorsque je présentai mon premier exposé, je fus entouré à la sortie des classes par une cohorte d’étudiants voulant savoir qui je suis, ce que je fais, comment suis-je arrivé là… Une mini conférence de presse à laquelle je m’étais adonné à cœur joie. Ainsi, en quelques temps, mon statut est passé d’outsider à favori. Dorénavant, lorsqu’on devait constituer les groupes de travail, c’est moi qui étais submergé par les demandes. Finalement, les craintes que je nourrissais n’étaient pas fondées : l’école est la même partout. Je dirais même plus : l’école en France est plus facile qu’en Afrique.

Sur le plan personnel, les études suivies et les méthodes d’enseignement pratiquées à l’ESC Dijon m’ont permis de développer entre autres, une écoute active et empathique, une grande capacité d’adaptation, une ouverture d’esprit et une habilité à la parole publique, des compétences distinctives qui me seront certainement utiles pour la suite de ma carrière administrative.

Au terme de mon cursus académique, j’ai rédigé, ainsi que l’exige la pratique, une thèse professionnelle qui a pour objectif de contribuer à la valorisation de la relation entre les managers et leurs collaborateurs en vue d’améliorer la performance de l’administration publique, particulièrement celle du ministère gabonais de l’Economie. Pour cela et au vu de la revue de littérature, j’ai analysé les interactions relationnelles, les pratiques RH en cours ainsi que le leadership déployé par les managers, ce qui a constitué le cadre théorique de mon étude. L’étude empirique a été réalisée sur la base d’un questionnaire administré auprès d’un échantillon d’agents du ministère, puis des entretiens réalisés auprès des membres du top management. L’interprétation de ces données qualitatives m’a permis de constater une absence de collaboration franche entre les agents, une méconnaissance généralisée des méthodes RH modernes et une insatisfaction relative des agents au travail, raisons de leur démotivation. D’où j’ai préconisé un ensemble de démarches itératives visant à réformer la relation hiérarchique en l’orientant vers l’atteinte des objectifs de l’organisation publique. J’ai la ferme ambition de participer au niveau stratégique du ministère, à l’implémentation de ces mesures, ce qui contribuerait à ma réalisation professionnelle et ma satisfaction personnelle.

Je me demande justement le cas échéant,  pourquoi ne pas m’orienter dans l’entreprise privée ou les organismes internationaux, susceptibles de mieux exploiter mes connaissances et compétences pour leur développement ?

D’un tempérament plutôt jovial et facile à vivre, je me suis fait beaucoup d’amis de nationalités diverses aussi bien au sein du groupe TGSS à l’Ecole de Commerce de Dijon qu’ailleurs. Ainsi, je me permettrais par exemple de citer Mademoiselle Lorna Lulu Masika de nationalité ougandaise, rencontrée lors de notre traditionnel  « networking event » de Cheswick park à Londres et que j’ai reçue à Dijon pour une visite. Mais aussi Irene Danquah, Fatimah Ibrahim et Frances Mullen Ansa du Ghana, Jean Michel Gba de Côte d’Ivoire et tous les gabonais actuellement en France et au Royaume Uni que je représente fièrement auprès du British Council.

L’Afrique n’a plus d’autre choix que celui de se développer et c’est à nous de de relever les nombreux défis qui dressent sur le long chemin tortueux mais exaltant qui mène à la prospérité.

Mais en attendant ma soutenance de thèse déjà imminente, je profite de visiter l’Europe pour confronter les différentes cultures à la nôtre et continuer à me faire des amis.

 

L’Auteur

L’Auteur est Eugène Ebang Olui . Eugène Ebang Olui est un boursier TGSS du Gabon . Il il est inscrit en Msc MSc Management des Ressources Humaines et Organisations a l’ESC Dijon-Bourgogne, France.

 

Photo Courtesy:  io.its.ac.id

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